mercredi 26 octobre 2011

Qu’importe l’islamiste, pourvu qu’il soit démocrate

Contrairement aux décisions militaires et aux offensives, les processus politiques sont relativement lents. Que ce soit en Tunisie ou en Libye, la démocratisation et de libéralisation de la société ne se fera pas en quelques semaines. Il est donc indispensable de s'armer de patience avant de juger de l'orientation que ces pays choisiront.

Le spectre du terrorisme et de l'extrémisme

La victoire du parti Ennahda lors de l'élection de l'assemblée constitutante tunisienne inquiète. Les propos de Moustapha Adbeljalil, président du Conseil national de transition libyen, dimanche 23 octobre effraient : "En tant que nation musulmane, nous avons adopté la charia islamique comme source du droit, donc n'importe quelle loi contredisant les principes de l'islam est légalement nulle." La peur de l'islamisme radical s'est depuis emparée des occidentaux qui voient dans les résultats du scrutin tunisien, comme dans les propos du leader libyen, le spectre du terrorisme et de l'extrémisme.
La réaction de la diplomatie française comme celle de la plupart des responsables européens est restée mesurée. "Nous serons vigilants à ce que les valeurs que nous avons défendues aux côtés du peuple libyen soient respectées : l'alternance démocratique, le respect de la personne humaine, l'égalité des droits entre l'homme et la femme. Pour nous c'est absolument essentiel", a déclaré le ministre des Affaires étrangères le 24 octobre. C'est d'ailleurs cette vigilance qui devrait être appliquée par l'ensemble des responsables politiques et des médias face aux situations tunisiennes et libyennes.

 

Le processus démocratique doit faire son œuvre
Concernant le scrutin tunisien, il est important de rappeler que le parti Ennahda se revendique comme modéré. Durant toute la campagne, ses candidats ont rappelé leur attachement à la démocratie récemment acquise et à la préservation du droit des femmes. Ali Larayd, membre du comité exécutif d'Ennahda, a également déclaré, lundi, que son parti était "prêt à former une alliance avec le Congrès pour la république de Moncef Marzouki et l'Ettakatol de Moustapha Ben Jaafar puisque leurs opinions ne sont pas éloignées des nôtres et que ces deux partis ont obtenu un grand nombre de suffrages." Ces deux partis sont laïques. Personne ne peut raisonnablement s'alarmer de cette victoire d'Ennadha. Le processus démocratique doit faire son œuvre. Il est également juste de rappeler que de nombreux partis d'Europe se revendiquent d'une religion comme l'Union chrétienne-démocrate d'Allemagne dont est issue Angela Merkel. La Turquie est aussi gouvernée par un parti dit islamiste, l'AKP et, en dehors de tout jugement sur sa politique, il est difficile de le critiquer sur son attachement à la démocratie.
En Libye, la patience est d'autant plus de mise qu'aucun scrutin n'a encore eu lieu. Les propos de Moustapha Adbeljalil n'engagent finalement que lui et son gouvernement de transition. Pour l'heure, personne ne peut dire comment l'électorat libyen se comportera lors des élections qui doivent se tenir dans huit mois.
Se focaliser sur le seul terme d' "islamisme" alors même que ces populations découvrent à peine le jeu du processus démocratique est une erreur. Chacun doit pouvoir effectivement défendre ses idées. La force de la démocratie est justement que la multitude des points de vue rend obligatoire le consensus et limite les décisions extrémistes.
Pierre Silvain

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