lundi 24 octobre 2011

Une affaire de goût

Oubliez les capes et les épées. Laissez tomber les chapeaux pointus et les balais. La tendance actuelle n’est plus aux sous-produits du Seigneur des anneaux ou aux apprentis sorciers sauce Potter… Bienvenue dans l’ère des mangeurs de cerveaux, bienvenue chez les zombies.
Ces êtres morts qui refusent de rester tranquillement dans leur caveau ou cercueil et passent leur temps à chercher un vivant pour lui manger l’encéphale, ont la côte. Les zombies ou morts vivants ne sont pourtant pas une création récente. Dans le cinéma ils entrent dans la postérité grâce à George Andrew Romero qui réalise en 1968, La nuit des morts vivants. Devenu le spécialiste incontestable en la matière, le réalisateur américain effraie les amateurs depuis plus de 40 ans. L’avènement du jeu vidéo, dans les années 90, a permis aux zombies de quitter la pellicule pour étendre leur influence jusque dans les chambres des enfants… Et ces enfants sont devenus grands.
Rouge hémoglobine
Il y a 10 ans, toutes les grandes agglomérations européennes vivaient, une fois par an, au rythme des love parades. Ces manifestations étaient l’occasion, pour la communauté gay, de se montrer au grand jour et de revendiquer ses droits. Aujourd’hui, de plus en plus de grandes villes connaissent une fois par an un défilé beaucoup moins coloré, si ce n’est de rouge hémoglobine. Les zombis parades attirent toujours plus de monde à la façon d’un grand carnaval morbide. Question revendication, en revanche… Nous pouvons d’ailleurs nous interroger sur le sens du succès des zombies dans nos sociétés. Carnaval, dès le Moyen-Age, avait pour but d’inverser les rôles, de chambouler l’ordre social de manière ponctuelle pour faciliter le retour à un quotidien inégalitaire le reste de l’année. Mais que représente cet engouement pour les zombies ? Que révèle-t-il de notre société ?
Dans les sciences
Arnold T. Blumberg, auteur de du livre Zombiemania : 80 movies for die, expliquait au lancement d’un cours sur le zombie à l’université de Baltimore, en septembre 2010 : “Cela fait partie de la mentalité américaine. Les zombies fonctionnent comme une allégorie de toutes sortes de choses qui se passent dans notre pays, qu’il s’agisse de la menace du communisme pendant la Guerre froide ou de nos craintes au sujet du bioterrorisme en 2010. Il est relativement facile de connecter les zombies à ce qui se passe dans la culture”.
Car le zombie ne se contente plus du cinéma, de la littérature ou des jeux vidéo ; il est présent dans les universités et dans les sciences. Dans un article publié sur le site Slate.fr, Julia Coulibaly détaille : “En 2009, le Dr. Steven C. Schlozman […] propose d’utiliser les outils les plus avancés de la neurobiologie pour disséquer le cerveau d’un zombie. […] En 2011, c’est le jeune neuroscientifique Bradley Voytek qui décide de se prêter au jeu des zombies studies. Lors de la Nerd Nite de Los Angeles, il tente de répondre à la question métaphysique suivante : qu’est ce qui fait qu’un zombie est un zombie ? ”
Les sciences médicales ne sont pas les seules à être progressivement infestées par le mal. La géopolitique et la géostratégie sont, elles aussi, touchées. En 2011, Princeton University Press, publie Theories of International Politics and Zombies.
Vous ne pouvez pas tirer dans la tête de la crise financière
Derrière cet engouement scientifique, se place clairement l’idée de proposer des cas médicaux ou géopolitiques complexes et inconnus susceptibles de captiver un auditoire d’étudiants et de les inciter à travailler sur une situation inédite les obligeant à mettre de côté les modèles connus.
De manière plus élargie, le retour du zombie depuis le début des années 2000 (et l’avènement d’un monde multipolaire et mondialisé) représente l’ultime adversaire en face duquel les Hommes ne peuvent que s’unir et se rassembler autour d’une même cause. Max Brooks, auteur de Guide de survie en territoire zombie et World War Z : Une histoire orale de la guerre des zombies, actuellement adapté au cinéma résume le succès de ce monstre : « Les zombies sont une menace apocalyptique, nous vivons des moments d’angoisse apocalyptique et nous avons besoin d’un vecteur dans lequel se fondent ces inquiétudes.
Le zombie est une façon pour nous d’explorer des catastrophes massives d’une façon rassurante. Vous ne pouvez pas tirer dans la tête de la crise financière, mais vous pouvez le faire avec un zombie. »
Pierre Silvain

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