mercredi 26 octobre 2011

Qu’importe l’islamiste, pourvu qu’il soit démocrate

Contrairement aux décisions militaires et aux offensives, les processus politiques sont relativement lents. Que ce soit en Tunisie ou en Libye, la démocratisation et de libéralisation de la société ne se fera pas en quelques semaines. Il est donc indispensable de s'armer de patience avant de juger de l'orientation que ces pays choisiront.

Le spectre du terrorisme et de l'extrémisme

La victoire du parti Ennahda lors de l'élection de l'assemblée constitutante tunisienne inquiète. Les propos de Moustapha Adbeljalil, président du Conseil national de transition libyen, dimanche 23 octobre effraient : "En tant que nation musulmane, nous avons adopté la charia islamique comme source du droit, donc n'importe quelle loi contredisant les principes de l'islam est légalement nulle." La peur de l'islamisme radical s'est depuis emparée des occidentaux qui voient dans les résultats du scrutin tunisien, comme dans les propos du leader libyen, le spectre du terrorisme et de l'extrémisme.
La réaction de la diplomatie française comme celle de la plupart des responsables européens est restée mesurée. "Nous serons vigilants à ce que les valeurs que nous avons défendues aux côtés du peuple libyen soient respectées : l'alternance démocratique, le respect de la personne humaine, l'égalité des droits entre l'homme et la femme. Pour nous c'est absolument essentiel", a déclaré le ministre des Affaires étrangères le 24 octobre. C'est d'ailleurs cette vigilance qui devrait être appliquée par l'ensemble des responsables politiques et des médias face aux situations tunisiennes et libyennes.

 

Le processus démocratique doit faire son œuvre
Concernant le scrutin tunisien, il est important de rappeler que le parti Ennahda se revendique comme modéré. Durant toute la campagne, ses candidats ont rappelé leur attachement à la démocratie récemment acquise et à la préservation du droit des femmes. Ali Larayd, membre du comité exécutif d'Ennahda, a également déclaré, lundi, que son parti était "prêt à former une alliance avec le Congrès pour la république de Moncef Marzouki et l'Ettakatol de Moustapha Ben Jaafar puisque leurs opinions ne sont pas éloignées des nôtres et que ces deux partis ont obtenu un grand nombre de suffrages." Ces deux partis sont laïques. Personne ne peut raisonnablement s'alarmer de cette victoire d'Ennadha. Le processus démocratique doit faire son œuvre. Il est également juste de rappeler que de nombreux partis d'Europe se revendiquent d'une religion comme l'Union chrétienne-démocrate d'Allemagne dont est issue Angela Merkel. La Turquie est aussi gouvernée par un parti dit islamiste, l'AKP et, en dehors de tout jugement sur sa politique, il est difficile de le critiquer sur son attachement à la démocratie.
En Libye, la patience est d'autant plus de mise qu'aucun scrutin n'a encore eu lieu. Les propos de Moustapha Adbeljalil n'engagent finalement que lui et son gouvernement de transition. Pour l'heure, personne ne peut dire comment l'électorat libyen se comportera lors des élections qui doivent se tenir dans huit mois.
Se focaliser sur le seul terme d' "islamisme" alors même que ces populations découvrent à peine le jeu du processus démocratique est une erreur. Chacun doit pouvoir effectivement défendre ses idées. La force de la démocratie est justement que la multitude des points de vue rend obligatoire le consensus et limite les décisions extrémistes.
Pierre Silvain

mardi 25 octobre 2011

Grèce, le remède qui tue (1re partie)

Les Européens, et le reste du monde, observent depuis plusieurs mois les râles de l’économie grecque et l’attitude des responsables de l’UE postés et prostrés, à son chevet. Cette situation, décrite comme le déclencheur potentiel d’une crise mondiale plus grave que celle qui a frappé l’économie mondiale en 2008, effraie et inquiète par ces conséquences sur les marchés, son impact sur la croissance du PIB, sur le moral des industrielle, sur les perspectives conjoncturelle...  L’ensemble du dictionnaire d’économie pourrait être décliné.
Un mot, en revanche, revient partout : austérité. Les Grecs doivent se serrer la ceinture. A priori, cela semble légitime. Ils se sont mis dans la m… Nous (Européens) devons les aider. Il faut donc que ces cigales apprennent à devenir des fourmis et PAYENT les efforts que nous devons faire à leur place.

Les écoles publiques ne reçoivent plus de manuels scolaires

Ce discours, véhiculé par nos représentants est inique et absurde. Il est inique car il passe sous silence les efforts terribles que la société grecque a déjà consenti. En effet, vivre en Grèce en 2011, c’est avoir accepté en moins d’un an :
- Une réduction des salaires et des retraites atteignant jusqu’à 30 % ;
- Une baisse du salaire minimum à 600 euros ;
- Une hausse des prix au cours des quinze derniers mois (fioul domestique : + 100 % ; essence : + 100 % ; électricité, chauffage, gaz, transports publics : + 50 %).
- Près d’un tiers des commerces du pays ont fermé leurs portes. Sur ceux qui ont pour l’instant survécu, 30 % ne sont plus en mesure de payer les salaires.
Un juriste viennois, disposant d’une résidence en Grèce, interrogé par Courrier International s’insurge face à la situation : “ pour déposer une plainte au commissariat, il faut payer sur-le-champ 150 euros. Dans le même temps, les policiers sont obligés de se cotiser pour faire le plein de leurs voitures de patrouille. Un nouvel impôt foncier, associé à la facture d’électricité, a été créé. S’il n’est pas payé, l’électricité du foyer est coupée. Depuis plusieurs mois, les écoles publiques ne reçoivent plus de manuels scolaires, l’État ayant accumulé d’énormes dettes auprès des maisons d’édition. On ignore comment les écoles – surtout celles du Nord – vont régler leurs dépenses de chauffage. ”

Un recul de plus de 12 % en 4 ans

Les décisions, prises dans un laps de temps aussi court, ont eu des conséquences catastrophiques sur la société. Certains chiffres, publiés récemment, font froid dans le dos. Depuis le début de l’année, le nombre de suicide a augmenté de 40 % par rapport à la même période en 2010. Le taux de chômage a doublé en deux ans, à plus de 16 %.
Face à ce bilan, il apparaît déplacé de critiquer les efforts consentis par les Grecs pour que les autres Européens consentent à leur faire… Un prêt.
Le plus ubuesque et tragique dans cette situation n’est pourtant pas là. En effet, les décisions en matière d’austérité exigées par les partenaires de la Grèce vont avoir des conséquences diamétralement opposées à celles espérées initialement. En obligeant l’État Grec à faire des économies, l’objectif était d’assainir ses finances pour lui permettre de sortir de la spirale de l’emprunt. Mais les exigences ont été telle, qu’elles ont pour l’instant comme seul résultat la destruction de l’économie du pays. Le PIB a reculé de 2 % en 2009, 4.5 % en 2010, 5.5 % en 2011 et les prévisions indiquent un recul de 2.5 % pour l’année 2012 (chiffre plutôt optimiste). Soit un recul de plus de 12 % en 4 ans !
Sachant que les rentrées fiscales d’un État sont fonction de la croissance du pays, comment Athènes pourrait décemment rembourser sa dette dans cette situation ?
Pierre Silvain

lundi 24 octobre 2011

Kadhafi, à sa place

Syrte, après plus d'un mois de siège. (Photo DR)

Kadhafi est mort. Vu le nombre de vidéos et de photos qui ont circulé sur nos écrans, depuis jeudi 20 octobre, personne au quasiment ne peut ignorer cette information. Certains, gênés par la violence de ces images, ont affirmé qu'il n'était pas nécessaire de montrer l'ensemble des clichés et vidéos amateurs disponibles. Certes visionner les derniers instants du dictateur libyen est une expérience difficile voire insoutenable. Mais je ne pense pas que l'on pouvait faire l'impasse dessus. Cette violence n'est que le reflet du réel. La mission des journalistes est justement de rester le plus fidèle et le plus proche de cette réalité, fût-elle violente. 
Sur la photographie ci-dessus, chacun peut constater l'ampleur des combats et les conséquences sur une ville comme Syrte. Pouvons-nous nous contenter de mots, de qualificatifs, pour réaliser l'ampleur de ce qui s'est passé là-bas ? Pouvons nous faire confiance à notre seule imagination pour se représenter la destruction qu'engendre un mois de siège? Non. Il n'y a que l'image qui nous permet d'évaluer et de comprendre ce qu'ont pu vivre les habitants de Syrte et les combattants des deux camps.
Devant les yeux de tous 
Je pense que ce qui est valable pour cette ville l'est aussi pour la chute d'un dictateur. Et je ne parle même pas de la fonction de ces images pour la population libyenne elle-même. En effet, après 42 ans de règne, l'image du cadavre de Kadhafi donne aux Libyens la garantie qu'une page se tourne.
En revanche, je suis surpris du peu de précautions que certains confrères ont pris pour diffuser ces images. Bien qu'elles soient, à mes yeux, indispensables pour la compréhension de ce qui se trame de l'autre côté de la Méditerranée ; elles ne peuvent évidemment par être mis devant les yeux de tous.
Voir le cadavre de Kadhafi doit résulter d'une volonté propre et ne doit pas être imposée. Quand un individu décide de regarder les actualités télévisées, d'ouvrir un journal ou d'aller sur des sites d'informations, il fait le choix implicite de se confronter à la réalité. En revanche, mettre le cadavre de Kadhafi en Une d'un journal ou d'un portail web du type Yahoo, Orange etc, c'est l'imposer. C'est obliger la population à se confronter avec l'horreur sans lui demander son avis... Ni son âge.
Informer ne doit pas se faire avec le souci de protéger son lectorat ou son audimat. J'en suis persuadé. Mais l'information, particulièrement dans ce cas précis, ne peut pas être diffusée sans le souci de protéger les plus jeunes. L'actualité n'est pas et ne sera jamais tout public. Elle mérite de savoir prendre du recul. De la distance par rapport aux propos comme aux images.
Pierre Silvain

Une affaire de goût

Oubliez les capes et les épées. Laissez tomber les chapeaux pointus et les balais. La tendance actuelle n’est plus aux sous-produits du Seigneur des anneaux ou aux apprentis sorciers sauce Potter… Bienvenue dans l’ère des mangeurs de cerveaux, bienvenue chez les zombies.
Ces êtres morts qui refusent de rester tranquillement dans leur caveau ou cercueil et passent leur temps à chercher un vivant pour lui manger l’encéphale, ont la côte. Les zombies ou morts vivants ne sont pourtant pas une création récente. Dans le cinéma ils entrent dans la postérité grâce à George Andrew Romero qui réalise en 1968, La nuit des morts vivants. Devenu le spécialiste incontestable en la matière, le réalisateur américain effraie les amateurs depuis plus de 40 ans. L’avènement du jeu vidéo, dans les années 90, a permis aux zombies de quitter la pellicule pour étendre leur influence jusque dans les chambres des enfants… Et ces enfants sont devenus grands.
Rouge hémoglobine
Il y a 10 ans, toutes les grandes agglomérations européennes vivaient, une fois par an, au rythme des love parades. Ces manifestations étaient l’occasion, pour la communauté gay, de se montrer au grand jour et de revendiquer ses droits. Aujourd’hui, de plus en plus de grandes villes connaissent une fois par an un défilé beaucoup moins coloré, si ce n’est de rouge hémoglobine. Les zombis parades attirent toujours plus de monde à la façon d’un grand carnaval morbide. Question revendication, en revanche… Nous pouvons d’ailleurs nous interroger sur le sens du succès des zombies dans nos sociétés. Carnaval, dès le Moyen-Age, avait pour but d’inverser les rôles, de chambouler l’ordre social de manière ponctuelle pour faciliter le retour à un quotidien inégalitaire le reste de l’année. Mais que représente cet engouement pour les zombies ? Que révèle-t-il de notre société ?
Dans les sciences
Arnold T. Blumberg, auteur de du livre Zombiemania : 80 movies for die, expliquait au lancement d’un cours sur le zombie à l’université de Baltimore, en septembre 2010 : “Cela fait partie de la mentalité américaine. Les zombies fonctionnent comme une allégorie de toutes sortes de choses qui se passent dans notre pays, qu’il s’agisse de la menace du communisme pendant la Guerre froide ou de nos craintes au sujet du bioterrorisme en 2010. Il est relativement facile de connecter les zombies à ce qui se passe dans la culture”.
Car le zombie ne se contente plus du cinéma, de la littérature ou des jeux vidéo ; il est présent dans les universités et dans les sciences. Dans un article publié sur le site Slate.fr, Julia Coulibaly détaille : “En 2009, le Dr. Steven C. Schlozman […] propose d’utiliser les outils les plus avancés de la neurobiologie pour disséquer le cerveau d’un zombie. […] En 2011, c’est le jeune neuroscientifique Bradley Voytek qui décide de se prêter au jeu des zombies studies. Lors de la Nerd Nite de Los Angeles, il tente de répondre à la question métaphysique suivante : qu’est ce qui fait qu’un zombie est un zombie ? ”
Les sciences médicales ne sont pas les seules à être progressivement infestées par le mal. La géopolitique et la géostratégie sont, elles aussi, touchées. En 2011, Princeton University Press, publie Theories of International Politics and Zombies.
Vous ne pouvez pas tirer dans la tête de la crise financière
Derrière cet engouement scientifique, se place clairement l’idée de proposer des cas médicaux ou géopolitiques complexes et inconnus susceptibles de captiver un auditoire d’étudiants et de les inciter à travailler sur une situation inédite les obligeant à mettre de côté les modèles connus.
De manière plus élargie, le retour du zombie depuis le début des années 2000 (et l’avènement d’un monde multipolaire et mondialisé) représente l’ultime adversaire en face duquel les Hommes ne peuvent que s’unir et se rassembler autour d’une même cause. Max Brooks, auteur de Guide de survie en territoire zombie et World War Z : Une histoire orale de la guerre des zombies, actuellement adapté au cinéma résume le succès de ce monstre : « Les zombies sont une menace apocalyptique, nous vivons des moments d’angoisse apocalyptique et nous avons besoin d’un vecteur dans lequel se fondent ces inquiétudes.
Le zombie est une façon pour nous d’explorer des catastrophes massives d’une façon rassurante. Vous ne pouvez pas tirer dans la tête de la crise financière, mais vous pouvez le faire avec un zombie. »
Pierre Silvain

mardi 18 octobre 2011

Après l'anti-sarkozysme, l'anti-hollandisme

Je suis surpris. Surpris de constater que, depuis dimanche, la droite française s’attache à démonter point par point l’ensemble du programme socialiste défendu par François Hollande. Je suis étonné de voir la majorité organiser une convention, rien que ça, pour discuter, disserter, débattre… Du projet socialiste. À grand renfort de plateau télé et d’intervention dans les médias, les leaders du parti présidentiel vont faire entendre leur voix en parlant des socialistes.
Sur toutes les ondes, dans tous les journaux, j’entends que la droite va reprendre le crachoir, monopolisé par le PS durant les primaires. Mais s’ils le reprennent pour nous parler de la gauche, autant le leur laisser.
Depuis 2007, l’UMP s’est élevé contre l’anti-sarkozisme primaire de l’opposition. Arguant que derrière le « tout sauf Sarko », il n’y avait pas de programme, tandis qu’eux proposaient une vraie vision de l’avenir, un vrai programme politique. Peut-être ont-ils eu raison. Une chose est sûre, c’est qu’aujourd’hui, ils ont tort. Plutôt que de nous ressasser que le programme PS et ceci, que le programme de PS et cela, que François Hollande y dit n’importe quoi… L’UMP ferait sans doute mieux de se concentrer sur ses propres propositions plutôt que de se glisser dans un costume qu’ils ont eux-mêmes critiqué pendant 4 ans.
Pierre Silvain

lundi 17 octobre 2011

Mélenchon, un keynésien d’hier

Interrogé lundi 17 octobre sur France Info, Jean-Luc Mélenchon affirmait : « C’est quand même incroyable de voir qu’on passe pour un révolutionnaire quand on est simplement keynésien ; où on dit il faut partager, c’est ça qui va faire respirer l’économie. » Le leader du Front de Gauche défend dans son programme une taxation du capital à hauteur de celle du travail et « une augmentation des recettes [de l’État], en prenant à ceux qui ont beaucoup. » Toujours selon Jean-Luc Mélenchon, cette augmentation des recettes permettra de valider une politique publique active. Mais ce programme correspond-t-il à une politique keynésienne ?
Les politiques économiques dites keynésiennes partent du postulat que le marché ne conduit pas à l’optimum économique. Afin de parer ses accrocs, la puissance publique se doit d’intervenir pour protéger l’équilibre général. Pour ce faire, le gouvernement doit alors pratiquer une politique budgétaire expansionnisme, c’est-à-dire de combler, par la dépense publique, le déficit d’utilisation du potentiel économique. Autrement dit, passer d’un équilibre bas (faible demande, faible offre, chômage et sous-utilisation du capital, moral en berne conduisant à des anticipations négatives) à un équilibre haut (plein emploi, demande et offre plus forte, anticipations positives restaurant la croissance)
Création de déficit
Les outils à la disposition de la puissance publique pour mettre en place ce type de politique sont multiples. Les minima sociaux et le Smic peuvent être un moyen de relancer la demande des ménages les plus fragiles, mais peuvent aussi obliger les entreprises à augmenter leurs prix pour faire face à cette hausse de leur charge.
L’État peut aussi favoriser l’innovation, et investissement, via des mesures incitatives telles que des défiscalisations, une diminution de l’Impôt sur les sociétés. Cette mesure a néanmoins eu que peu de retombées malgré des systèmes multiples d’aides et des organismes de financement largement doté (Oséo).
Enfin, un État peut jouer sur le taux directeur de la banque centrale pour inciter à la consommation ou à l’épargne. Cet outil n’est plus aujourd’hui à la disposition des gouvernements de l’Euroland. La banque centrale européenne décidant seule de la politique économique de la zone.
Il ne reste donc que peut de possibilité à Jean-Luc Mélenchon pour mettre en place son programme. En premier lieu la dépense publique qui contrairement à ce que prône la théorie, ne pourra pas s’appuyer sur une création de déficit. La France ne pouvant pas raisonnablement creuser encore son déficit. Le leader de gauche ne pourra donc financer son programme qu’avec des recettes fiscales nouvelles qui, même si elles sont importantes pourront difficilement supporter un vaste plan de relance basé une stimulation de la demande.
Cette politique sera d’autant moins favorable à l’économie française si elle n’est pas mise en place en concertation avec autres membres de l’Euroland. (voir Démondialisations ou des mondialisations).
Entièrement interdépendantes
Jean-Luc Mélenchon appuie bien son programme sur des éléments constitutifs de la politique keynésienne, mais il fait face à un large problème pour le mettre en application. Les économies européennes et mondiales sont aujourd’hui entièrement interdépendantes. La mise en place d’une politique économique nécessite par conséquent d’être lancée en concertation pour ne pas risquer de voir ses bénéfices se volatiliser. L’exemple du plan de relance de 1981 l’atteste… Jean-Luc Mélenchon devra donc d’abord s’entendre avec l’Europe avant de mettre en place sa relance. Une idée défendue par Arnaud Montebourg.
Pierre Silvain

jeudi 13 octobre 2011

Les nombres de l’or

La nature respecte un certain nombre de loi universelle : la relativité, la gravité ou la mécanique quantique. Parfois, de manière quasi magique, il apparaît une variable mathématique respectée, sans raison apparente, par la physique ou la biologie. C’est le cas du nombre d’or ou 1,618 033 989.
Moins connue, la loi de Benford, énonce une règle invariable sur l’apparition des chiffres dans une liste statistique : le 1er chiffre non nul le plus fréquent est 1, sa fréquence d’apparition est de 33 % du total des observations. Le 2 est lui plus fréquent que 3 et ainsi de suite jusqu’au 9 qui, lui, n’a plus qu’une probabilité d’apparition de 4,6 %. Cette loi se vérifie dans la nature comme en astronomie mais également dans des domaines moins universels comme dans votre déclaration d’impôt. Jialan Wang, professeur de finance à la Washington University de Saint Louis, affirme que cette règle est en effet utilisée dans de nombreux pays pour lutter contre la fraude fiscale. Elle permettrait de vérifier si un compte respecte bien les fameuses constantes statistiques.
Crise économique
Ce qui est intéressant, c’est que la scientifique américaine s’est lancée dans une étude titanesque où elle prend pour base les données de près de 20 000 entreprises sur un demi-siècle d’activité. Les résultats révèlent deux choses importantes. La première est que, dans la durée, les comptes de ces entreprises s’éloignent de plus en plus de la sacro-sainte loi. La seconde conclusion est que cet éloignement est plus prononcé lors de crises économiques. (Pour les entreprises de la high-tech lors de la bulle spéculative ou encore l’ensemble pour la crise de 2008).
Aucune conclusion radicale ne peut être prise à la lumière de cette recherche. Mais elle illustre gravement une situation économique de plus en plus détachée du « processus naturel de génération de données ». Vulgaire maquillage des données, déréglementations entraînant un éloignement de la comptabilité vis-à-vis de la création réelle ou virtualisation d’une partie des activités… Les causes peuvent être multiples et ne sont pas arrêtées. Mais les conclusions indiquent qu’en tout état de cause, nous n’avançons pas dans le bon sens…
Pierre Silvain

mardi 11 octobre 2011

Démondialisation ou des mondialisations

Avec le premier tour des primaires du PS et l’éclosion sur la scène politique d’Arnaud Montebourg, des idées politiques peu répandues ou faiblement médiatisées sont entrées dans la lumière du débat politique national.
Le plus important concept est bien sûr celui de démondialisation qui, depuis dimanche 9 octobre, alimente abondamment les discussions et les pages des journaux. Mais que cache ce terme ? En premier lieu, le terme peut être perçu comme l’opposé de la mondialisation. Comme l’antimatière face à la matière. L’Homme mondialiserait et démondialiserait comme il monte et démonte un mécano. Malheureusement ou heureusement, question de point de vue, le concept défendu par le député de Saône-et-Loire n’est en rien une déconstruction méthodique du système économique, financier et social qui régit la planète.
Démondialiser consiste à travailler sur deux points fondamentaux du système économique. D’abord, relocaliser les entreprises et les emplois. Ce type de politique n’est possible que dans un espace qui réalise en interne plus de la moitié de ses échanges. En effet, l’incitation à recentraliser passe par une taxation des marchandises produites à l’extérieur de cet espace. Or, dans le cas de la France, chacun peut relever que la balance commerciale est déjà largement déficitaire. Une politique protectionniste à l’échelle française provoquerait une hausse des prix généralisée et une réaction de nos partenaires européens qui ferait exploser le déficit commercial. En mettant en place des barrières douanières aux frontières du continent, l’Europe, qui réalise près des deux tiers de ses échanges en interne, protégerait efficacement son économie et son modèle basé sur une forte protection sociale. Ce système pourrait indirectement favoriser l’environnement et réduisant les transports de marchandises. "Produire à 20 000 kilomètres n’a aucun sens à un moment où l’atteinte à l’environnement est devenue un problème pour chacun des habitants de la planète", explique Arnaud Montebourg.
La démondialisation, c’est aussi « Sécuriser la finance : reréguler avec force le système financier pour éviter les dérives qui ont conduit à la crise. » L’objectif ne peut se réaliser qu’avec un accord mondial. Les flux financiers ne pourront être maîtrisés que si les plus grandes puissances économiques mondiales s’entendent. La mise en place d’une taxe Tobin, si elle n’est pas globale aura pour conséquences de faire fuir le capital et par conséquent de mettre en difficulté l’économie réelle.
La finalité de la démondialisation comme le mot peut faire penser à tort n’est pas de revenir en arrière mais de proposer un système économique mondial basé sur des grands ensembles économiques intégrés dans lesquels les règles de la mondialisation pourraient fonctionner mais qui offrirait l’avantage de protéger les différents espaces de la concurrence extérieure. Les protectionnismes nationaux du 19e et 20e siècles avaient pour mission de protéger les économies nationales de la concurrence extérieure afin de lui laisser le temps de se développer et de devenir suffisamment compétitive. La démondialisation est un protectionnisme qui permettra aux économies européennes de se protéger le temps que les autres grands ensembles économiques mondiaux les rejoignent en matière de protection sociale et de niveau de salaire.
Pierre Silvain

lundi 10 octobre 2011

Yahoo est-il un site de racistes ?

"Voila ce que c'est de vouloir imposer la démocratie partout; Des peuples sauvages ont besoin d'une dictature pour les dresser et les rendre un peu moins violents" Alice au sujet d'un attentat qui a fait 18 morts en Irak le 30 septembre. "Et oui la tolérance Musulmane, c'est de tuer les chrétien et autres ils pratiquent une forme de cannibalisme ils ce tuent entre eux: Merci...Merci qui ? : Allah bien sur" Wallabi concernant les affrontements entre Coptes et militaires qui ont fait 24 morts en Égypte le 9 octobre. "Dans les congélateurs de mon bunker, j'ai un stock­ d'immigrés.hier j'ai bouffé un foie­ d'arabe à la vinaigrette. j'ai A-DO-Ré !" . Boursicreppe au sujet d'un article sur la préparation de l'équipe de France avant sa rencontre avec la Bosnie. Voici un très léger florilège de commentaires que l'on peut trouver à la suite des articles visibles sur les pages du site Yahoo.fr
Habitué de l'agrégateur depuis plus de 10 ans, je suis chaque jour un peu plus étonné de voir la littérature que proposent les utilisateurs du site. Certes, ce type de propos a toujours existé sur le site, mais leur violence et surtout leur fréquence est aujourd'hui insupportable. Je ne peux pas croire, quand je lis les commentaires de certains internautes, que les modérateurs font ou essaient de faire leur travail. Comment un site aussi populaire peut-il laisser des injures, des appels à la haine, des diffamations de ce type prospérer sans essayer de lutter contre. 
Une tribune sale
Après 10 ans d'utilisation, je maîtrise le site et sais exactement où cliquer pour trouver le type d'info que je cherche. Mais je suis aujourd'hui un utilisateur par défaut qui se cherche une nouvelle page d'accueil moins haineuse et plus respectueuse du droit. 
L'exemple de Yahoo n'est pourtant pas isolé et d'autres internautes doivent ressentir la même exaspération que moi face à l'inaction des modérateurs. Sous couvert de liberté d'expression, le web offre aujourd'hui une tribune sale à des individus qui seraient punis pour des propos bien moins nauséabonds dans tous les autres médias. Chacun doit se souvenir que le web reste un espace public et que cet espace est, comme tous lieux publics, régit par des règles nous permettant de vivre au mieux en société. Je ne suis pas sûr que nos trois auteurs cités ci-dessus se seraient exprimés de la sorte devant un auditoire ou sur une place. S'exprimer, oui. L'assumer, non.
Leurs responsabilités
Face à ce constat (certains "posteurs" utilisent même plusieurs pseudonymes pour ne pas entacher leur identifiant principal), Je suggère à Yahoo et aux autres agrégateurs et sites d'informations de permettre aux utilisateurs de retrouver l'adresse mail des commentateurs. Ce changement, Facilement réalisable, placera Alice, Wallibi, Boursicreppe et les autres devant leurs responsabilités. Je ne serais pas étonné de voir dès lors mon agrégateur préféré redevenir fréquentable.

Adroite ou maladroite

Quand Jean-François Copé explique, au journal télévisé, le soir du premier tour des primaires socialistes, que le nombre de votants à ce nouvel exercice démocratique ne représente que 4% des électeurs ; personne ne s'étonne. Comparés aux propos d'autres leaders de droite, saluant cette méthode de désignation et son « succès relatif », ceux du chef de l'UMP peuvent être perçus comme décalés. Mais finalement, personne n'en attendait moins de la part du parti de la majorité.
Il est d'ailleurs plus surprenant d'entendre François Fillon, de bonne fois, expliquer l'intérêt de ce « processus moderne » de désignation. Le Premier ministre est bien sûr en droit d'approuver le système des primaires. Mais qu'il le fasse la semaine où le PS propose aux Français de venir aux urnes pour désigner leur futur champion est étonnant.
En effet, le processus des primaires semble aujourd'hui faire la quasi-unanimité dans l'Hexagone. Politisés ou pas, les Français semblent valider ce nouveau système de désignation qui réouvre la politique en s'affranchissant des sphères militantes. La majorité ne peut donc qu'observer cet engouement vis-à-vis d'un système dont elle est privée pour cause de président sortant. La situation est donc délicate car critiquer l'exercice, c'est prendre le risque d'aller à contresens de la volonté générale et même des statuts de L'Union pour un mouvement populaire (cf Copé). Rappeler que L'UMP dispose déjà de cet outil de désignation est également risqué. Un document n'a jamais autant de poids qu'une action. Il est facile de se demander pourquoi l'UMP n'a jamais réalisé de primaires. L'effet « moi je... » peut aussi agacer les Français qui, quelle que soit leur opinion, apprécie le retour à de vrais débats d'idées à gauche (Le succès des émissions retransmettant les échanges entre les 6 candidats l'atteste). Enfin, saluer l'exercice peut apparaître comme surprenant à 6 mois du scrutin présidentiel. N'est-ce pas donner le bâton pour ce faire battre? N'y a-t-il pas une once de défaitisme dans ce discours?
Bien sûr la droite aura ses primaires. Bien sûr l'exercice n'est pas réservé aux partis de gauche. Mais à l'heure où le président sortant est au plus bas dans les sondages. Au lendemain d 'une défaite historique au Sénat. A la veille d'un combat qui sera sans aucun doute difficile et serré. Voir certains leaders de droite et le second personnage de l’État féliciter le futur adversaire indique qu'ils ont peut-être déjà baissé pavillon pour le round de 2012. En revanche, leur attitude révèle sûrement qu'ils se positionnent déjà pour celui de 2017.
Pierre Silvain